Sexualité non-pénétrative

“Aimer un acte n’empêche pas de le questionner et de le critiquer. Critiquons nos plaisirs et nos joies, critiquons nos orgasmes et nos bonheurs, il y a aussi des prisons et des pièges” (Page, 2019).

Introduction :

Nous vivons dans une société phallocentrée (centrée sur le phallus), qui impose comme norme la pénétration. La façon dont nous percevons les choses et dont nous en parlons impacte directement notre psyché et nos comportements.

Toute personne est confrontée au moins une fois dans sa vie au fait que la pénétration est un acte non désiré, compliqué, voire impossible et ce pour de multiples motifsles troubles sexologiques (vaginisme, troubles de l’érection, etc.), les pathologies concomitantes, les problèmes gynécologiques, la ménopause, l’andropause, le post-partum,… Mais également par l’absence de contraception ou de protections contre les I.S.T (Infections Sexuellement Transmissibles), la consommation de substances ou simplement le non-désir de pénétration.

1 – Construction sociale

La sexualité et ses représentations sont une construction sociale. Au travers de l’histoire et des cultures, le rapport sexuel a souvent était dédié à la procréation, hors de la notion de plaisir. Lorsqu’on parle de virginité, c’est toujours en référence à la pénétration, d’autres pratiques telles que les caresses, le sexe oral ou tout autre moment intime ne peuvent, dans cette construction, être vus comme un rapport complet (Jacquet, 2008). 

2 – Imaginaire collectif 

Nos représentations du rapport sexuel repose sur la pénétration (essentiellement hétérosexuelle), que ce soit à l’école, dans les films, les livres ou la pornographie mainstream, il y a toujours une référence à la pénétration. Ces scénarios culturels vont influencer les comportements sexuels que l’on a tendance à reproduire dans sa propre vie affective et sexuelle.

 Petites réflexions :

  • Si vous imaginez un rapport sexuel, imaginez vous forcément une pénétration à un moment donné?
  • Si vous imaginez un rapport sexuel satisfaisant pour les 2 (ou plus) partenaires sans pénétration ; quel serait votre propre scénario ?

3 – Plaisir réel

a) Féminin

La culture sexuelle phallocentrée “minore et ignore les potentialités de la stimulation clitoridienne”(Gardey, 2019). Il faut savoir qu’une large majorité (80 %) des femmes ne jouissent pas avec la pénétration seule (Gulla & Fox, 2021). La stimulation externe clitoridienne est donc primordiale pour le plaisir sexuel et l’orgasme, même s’il existe de nombreuses zones érogènes (vagin, peau, lèvres, vestibule vaginale, seins, clitoris, oreilles, etc.) qui donne du plaisir.

b) Masculin

Si l’on repensait le plaisir au vue des sensations réelles éprouvées par l’un et l’autre des partenaires. En effet, les normes sexuelles actuelles limitent le plaisir masculin (essentiellement pour les hommes hétérosexuels). Brenot (2020) explique qu’il faudrait que les hommes acceptent de renoncer à la pénétration pour découvrir ‘’un tas de sensations qu’ils ne connaissent pas dans leur corps”.

De plus, on peut imaginer que si la pénétration est centrale dans l’acte sexuel, et que l’érection n’est pas au rendez-vous, alors il y a échec de tout l’acte sexuel et aucun autre moment intime n’est envisageable.

c) Dynamiques de pouvoir

Comme les hommes hétérosexuels éprouvent l’orgasme essentiellement avec la pénétration, on pourrait dire que la sexualité des femmes se définit en fonction de la jouissance des hommes (Koedt, 2010).

5 – Redéfinir la norme, l’imaginaire et les pratiques

Tout le monde devrait pouvoir définir sa sexualité comme iels le souhaitent, même si cette définition ne sera jamais complètement libre d’une influence culturelle, sociale ou religieuse.

Toutefois, de nouveaux termes apparaissent  et permettent d’amorcer une ouverture, un changement vers de nouvelles représentations.

C’est ce que nous pouvons observer, avec l’émergence de la notion de ‘’circlusion” qui signifie” entourer, enrober ou enfiler par-dessus.  En utilisant ce terme, le rapport d’activité et de passivité est inversé” (Adamczak, 2016).

Pour redéfinir notre sexualité, il est donc nécessaire de se baser sur la satisfaction sexuelle mutuelle en ayant  des pratiques qui donnent du plaisir et des orgasmes pour tous les partenaires.

Conclusion :

La norme se rattache à la pénétration, car c’est “naturel”, c’est un emboîtement simple et pratique. De plus elle est omniprésente dans les médias et les discours éducatifs. On agit sans réellement penser nos actions, on agit sans pleinement désirer notre acte.

Répertoire (non exhaustif) de pratiques non-pénétratives :

  • Masturbation mutuelle
  • Regarder l’autre se masturber
  • Sexe oral : cunnilingus, fellation, annulingus
  • Caresses corporelles ou génitales (tout le corps est une zone érogène…)
  • Mordillement, léchouilles, et baisers sur tout le corps (essayez les oreilles, la nuque,…)
  • Humping : frottement des organes génitaux contre son/sa partenaire, ou contre un objet.
  • ‘’Branlette espagnole’’ : stimulation du pénis avec les seins
  • Hotdogging : Stimulation du pénis avec les fesses
  • Massage érotique
  • Corps à corps : se frotter l’un.e à l’autre
  • Bain
  • Sexe virtuel : envoie de messages érotiques, sexe au téléphone, envoie de photos érotiques.
  • Utilisation de sextoys
  • Jouer avec les températures/avec les matières
  • Parler de sexe, créer à l’oral des scénarios, dirty talk : Discussions érotiques.
  • Mise en scène, jeu de rôles
  • Tantra (circulation énergétique et plaisir centré sur tout le corps)
  • Voyeurisme/Exhibitionnisme (dans des lieux dédiés accès pratiques)
  • Candaulisme : regarder sa/son partenaire avoir des relations intimes avec une autre personne
  • BDSM : (Bondage Discipline, Domination, Soumission, Sado-Masochisme)
  • Et pleins d’autres encore

Pour une meilleure compréhension et parce que l’article s’inscrit dans une conception genrée et hétéronormative de la société, nous avons choisi de parler en terme de ”femmes” pour femmes cisgenres et ”d’hommes” pour hommes cisgenres. Nous sommes tout à fait conscient.es que tout le monde ne se retrouvent pas dans ces conceptions binaires.

Bibliographie :

  • Adamczak, B. (2016). « Come on. Diskussion Über ein neues Wort, das sich aufdrängt und unser Sprechen über Sex revolutionieren wird », analyse & kritik 614. En ligne : www.akweb.de/ak_s/ak614/04.htm
  • Brenot, P. (2020). Vivre le sexe sans pénétration | Le Speech du médecin psychiatre thérapeute de couple Philippe Brenot. Konbinis News. [Vidéo] Daylimotion.
  • Gardey D. (2019), Politique du clitoris. Paris : Textuel
  • Gulla, E. & Fox, 1. (2018, updated 2021). 10 non penetrative sex ideas that are just as pleasurable (if not more!). Cosmopolitan. Récupéré de https://www.cosmopolitan.com/uk/love-sex/sex/a17042937/non-penetrative-sex-ideas/
  • Jacquet, L. (2008). La réinvention de la sexualité chez les intersexes. Nouvelles Questions Féministes, 27, 49-60.
  • Koedt, A. (2010). Le mythe de l’orgasme vaginal. Nouvelles Questions Féministes, 29, 14-22.
  • Page, M. (2019). Au-delà de la pénétration. Nouvel Attila, France.